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Lettre ouverte aux membres du Conseil communal de la Ville de Bruxelles

Reunissons-nous autour des valeurs
de liberté, d’egalité et de respect pour tou.te.s

Faire cesser Toutes les discriminations et favoriser l’inclusion
pour faire participer chacun.e au projet collectif bruxellois !

Le Collectif Contre l’Islamophobie en Belgique (CCIB) est une association qui défend la vision d’une société inclusive, fondée sur les principes de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Notre organisation a pour mission de construire des solutions avec les personnes discriminées en partenariat avec des acteurs de la société civile et des institutions publiques pour faire reculer le racisme, l’intolérance, la xénophobie et l’islamophobie.

Ce lundi 18 novembre, votre Conseil Communal abordera la question de la lutte contre les discriminations et nous nous réjouissons de voir que cette question soit à l’agenda de vos préoccupations. Il convient dès lors de pouvoir éclairer les conseiller.e.s à cette occasion et de faire des propositions pour promouvoir les libertés publiques pour chaque citoyen.ne.

Depuis plusieurs années, le CCIB reçoit des citoyen.ne.s relatant des faits discriminatoires (propos haineux, violences symboliques, chantages, harcèlements, dénigrements, discriminations …) par des représentants de la puissance publique, dépendant directement ou indirectement de l’autorité communale de Bruxelles-Ville.

Des citoyennes contactent régulièrement le CCIB car elles s’estiment discriminées, au regard des articles 10 et 11 de notre Constitution belge, de l’article 9 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) et du décret du 12 décembre 2008 relatif à certaines formes de discrimination (pour ce qui relève de l’enseignement). Ces situations sont très interpellantes car les citoyen.ne.s votent pour des élu.e.s afin qu’ils/elles garantissent leurs droits fondamentaux, voire qu’ils/elles les élargissent, mais certainement pas pour qu’ils/elles les réduisent, voire entretiennent des situations discriminatoires inacceptables au regard du droit. Nous attirons aussi votre attention sur l’impact de ces discriminations, à savoir une volonté de repli sur soi ou sa communauté, d’émotions négatives vis-à-vis de la société majoritaire et du pouvoir public ou encore de radicalisation.

Suite à ces signalements, et après les vérifications d’usage, le CCIB constate en effet que la Ville de Bruxelles a adopté à plusieurs reprises des prises de position visant directement des femmes de confession musulmane, ce qui démontre la création et le maintien de freins, d’obstacles, voire parfois même d’un environnement hostile à la « composante de l’identité musulmane » de ces citoyennes. Sans exhaustivité, les évènements suivants peuvent être soulignés:

octobre 2011 : L’interdiction d’accès à des étudiantes adultes une formation certifiante (à horaire décalé) sur les principes de la finance islamique, organisé par Impact Cooremans, qui est rattachée à Francisco Ferrer et la ville de Bruxelles. Des étudiantes portant un foulard ont été interdits d’accès à cause du règlement.

mai 2015 : Interdiction des jupes longues à l’école De Mot Couvreur car ces dernières ont été considérées comme des signes ostentatoires par la direction, ce qui peut être considéré comme indicateur d’un certain climat. La direction dépend du même Pouvoir Organisateur, à savoir la Ville de Bruxelles. Finalement, et au final cette interdiction sera supprimée, estimant qu’il s’agit d’une erreur d’interprétation.

mai 2013 et novembre 2015 : refus de la ville de Bruxelles d’autoriser le port du foulard pour les enseignantes de religion musulmane. Malgré l’annulation par le Conseil d’Etat de cette interdiction contenue dans plusieurs règlements de Villes et Communes (voir notamment les arrêts CE, 210.000 du 21/12/2010 et CE., 223.201 du 17 avril 2013), l’Echevine bruxelloise de l’Instruction publique, interpellée suite à ces arrêts, a maintenu sa position de manière étonnante et tout à fait incompréhensible. Il est vraiment très préoccupant qu’une décision de la plus haute juridiction administrative de notre pays ne soit pas respectée mettant ainsi gravement en péril les principes fondateurs de notre démocratie et de l’état de droit : séparation des pouvoirs et respect des décisions de justice qui s’impose à tous. Voir aussi à ce sujet la recommandation d’Unia (https://www.unia.be/files/Documenten/Aanbevelingen-advies/port_de_signes_religieux_par_les_professeurs_de_religion_en_fwb.pdf).

octobre 2016 : interdiction d’accompagnement des mamans portant un foulard lors des sorties scolaires. L’interdiction vient de la Ville de Bruxelles au nom de la neutralité. Cette question a fait débat au conseil communal de la Ville de Bruxelles ;

octobre 2016 : Interdiction d’accès à l’enseignement artistique d’un établissement relevant de la ville de Bruxelles pour une étudiante adulte. L’étudiante a dénoncé publiquement cette discrimination.

septembre/octobre 2017 : Interdiction contenue dans un Code de déontologie et interdisant toute expression ou propos à caractère religieux ou philosophiques de la part des employés durant les heures de travail. Le Conseil d’Etat, par un arrêt du 12 septembre 2017 a annulé cette interdiction CE (néerl), n239.047, 12/09/2017. A notre connaissance, les dispositions discriminatoires n’ont pas toujours pas été corrigées à ce jour. A nouveau, une décision de notre Cour suprême administrative n’est pas respectée.

septembre/octobre 2018 : Interdiction d’accès à l’enseignement supérieur (Haute Ecole Francisco Ferrer) d’un établissement relevant de la ville de Bruxelles pour des étudiantes adultes. Une plainte a été déposée, avec le soutien d’Unia. Il existe aussi une recommandation d’Unia en la matière : https://www.unia.be/fr/legislation-et-recommandations/recommandations-dunia/port-des-signes-religieux-dans-lenseignement-superieur-et-dans-lenseignement-de-promotion-sociale.

Ces faits sont à la fois très interpellants et très graves et c’est pourquoi le CCIB a pris connaissance avec beaucoup d’intérêt de la démarche du Collège Communal de Bruxelles-ville de vouloir établir un « Plan d’Action contre le racisme et les discriminations ». Il existe donc une occasion historique de défendre en cohérence les droits fondamentaux, la tolérance et le respect mutuel.

A cette occasion, le CCIB tient à interpeller chacun et chacun des membres du Conseil communal de la Ville de Bruxelles pour qu’il vote, en son âme et conscience, en faveur des libertés publiques pour tou.te.s, et qu’il puisse défendre, non pas le port du foulard/de la kippa/du turban sikh en tant que tel (cela relève du choix personnel et intime de chacun.e), mais la liberté de chacun et chacune de pouvoir porter un vêtement, fusse-t-il avec une connotation culturelle, religieuse, esthétique ou médical. La défense des libertés en la matière valent pour tou.te.s et la neutralité en est la garante. Cela vaut pour les personnes juives, sikhs, chrétiennes, pour les personnes africaines (qui portent un boubou) ou celles qui portent un bonnet pour raisons médicales.

Le concept de neutralité est très souvent évoqué pour justifier ces interdictions disproportionnées. La neutralité a été conçue dans notre système démocratique, et cela a été rappelé à plusieurs reprises par le Conseil d’Etat, comme un mode d’organisation qui devrait précisément réunir les citoyen.ne.s autour des valeurs fondamentales de liberté, de non-discrimination et de non-ingérence du pouvoir politique (pouvoir civil) et de l’autorité religieuse (pouvoir sacré). C’est parce que de nombreuses interprétations abusives ont abouti à la mise en place de décisions discriminatoires, au nom même de la neutralité, que beaucoup de citoyen.ne.s estiment que cette neutralité-là n’est pas porteuse de valeurs précitées. Comment des citoyen.ne.s pourraient adhérer à une notion qui – dans leur vie quotidienne – leur met clairement des barrières pour accéder à un enseignement, un emploi ou des biens et des services ? D’ailleurs, il convient de rappeler qu’en vertu de l’article 24, § 1er, alinéa 3, de la Constitution, la neutralité implique notamment le respect des conceptions philosophiques, idéologiques ou religieuses des parents et des élèves.

Pour le CCIB, il est urgent de nous réunir autour des valeurs de liberté, d’égalité, de respect, que garantissent précisément la neutralité et d’intégrer dans le « Plan d’Action contre les discriminations » que s’apprête à voter votre conseil communal la levée des interdictions du port du foulard (ou d’autres vêtements) pour les citoyen.ne.s sur le territoire communal et au sein des institutions qui en dépendent. Cette lettre ouverte est envoyée pour information à UNIA, la Ligue des Droits Humains, l’IEFH et le MRAX.

Nous restons à votre disposition pour engager une réflexion dans cette voie et comptons sur chacune et chacun des conseiller.e.s communaux et membre du Collège communal pour apporter des solutions concrètes et mesurables. La Ville de Bruxelles doit relever beaucoup de défis dans les prochains mois et les prochaines années. Mobilisons toutes les énergies citoyennes pour participer à ce changement !

 Pour le Conseil d’administration du CCIB, Mustapha CHAIRI (0484057977 – m.chairi@islamophobia.be)